Basel, Universitätsbibliothek / CL 173 – Sefer Ḥokhmat Nashim / f. 95v |
Description du Comites Latentes 173, déposé à la Bibliothèque de Genève, pour e-Codices : par Justine Isserles (collaboratrice scientifique, Bibliothèque de Genève), 2017.
L’éducation juive étant principalement réservée aux garçons, seule une infime minorité de filles et de femmes issues de familles aisées, pouvant s’offrir les services d’un enseignant privé, avaient une bonne connaissance de l’hébreu. Néanmoins, il en ressort que cette éducation était très ambivalente et limitée, due à l’attitude générale des autorités rabbiniques.
Toutefois, force est de constater que particulièrement dans la société juive italienne de la Renaissance et de la période moderne, les hommes avaient aussi parfois un niveau de compréhension de l’hébreu trop insuffisant pour suivre la prière en hébreu et, de ce fait, avaient également recours à des traductions du rite en judéo-italien.
En parallèle aux livres de prières principalement destinés aux femmes, les ouvrages de Seder Mitsvot Nashim (‘l’Ordre des préceptes pour les femmes’) se réfèrent à un genre de littérature vernaculaire en yiddish et en Judéo-italien à l’intention des femmes, très répandu dans les communautés ashkénazes et italiennes pendant la Renaissance et la période moderne. Ces préceptes pour la gente féminine portent sur des sujets relatifs à des pratiques destinées uniquement aux femmes, telles des lois, sous forme simplifiées, sur la pureté familiale, sur l’allumage des bougies de Shabbat et des fêtes ou encore sur la fabrication de la ḥallah et des lois de cacherout.
Ces manuels était largement diffusés sous forme manuscrite et imprimée, principalement en langue yiddish, comme celui de Benjamin Aaron ben Avraham Slonik de Grodno (c. 1550-1619), intitulé Eyn Schoen Frauenbuechlein (Cracovie, 1577, 1585, 1595 et Bâle, 1602) ainsi qu’en judéo-italien, sous le titre de Mitsvot Nashim Meladot : Precetti d’esser imparati dalle donne hebree (Venise, 1616, 1650, 1711 et Padoue 1625). Un de ces manuels ayant survécu sous forme manuscrite en judéo-italien est le Comites Latentes 173 (ci-après CL 173), portant le titre de Sefer Ḥokhmat Nashim, d’après un verset des Proverbes 14 :1 : חָכְַמַת נָשׁׅים בַנְתָה בֵיתָה (Ḥokhmat nashim banta beita) « la Sagesse des femmes construit sa maison », traduisant bien la finalité de ce manuel. D’autant plus que dans l’introduction de cette œuvre (f. 3r, l.19-23) par son auteur Yeḥiel ha-Cohen Manoscrivi, ce dernier met objectivement en évidence la vision misogyne généralisée de la femme juive au sujet de ses capacités de discernement de l’hébreu et des études juives, témoignant par-là de l’ignorance et l’illettrisme reconnus implicitement aux femmes :...הנה רוב הנשים להתכנעותן והשתעבדותן אל האנשים לא ידוע ולא הבינו דרכי לשון הקדש ואינן מכירות לדבר יהודית באופן כי תקריבו אל ההצלחה והשלמות כל פרושים המלמדים מקטנותם ועד באום בימים בדרכי לשון הקודש... « Voici la majorité des femmes, de par leur soumission et leur dépendance aux hommes, ne savent pas et ne comprennent pas les voies de la langue sacrée et ne comprennent pas les choses juives de sorte qu’elles puissent se rapprocher de la réussite et la plénitude de tous les commentaires qui enseignent depuis leur enfance jusqu’à leur vieillesse dans les voies de la langue sacrée... ». (Cette citation se trouve sous forme imprécise et incomplète dans Baruchson, La culture livresque des juifs d’Italie, p. 21. Cette dernière l’a tirée de l’introduction de l’ouvrage de Benayahu, p. 220 et non directement du manuscrit. De surcroît, Benayahu a tiré sa citation de Steinschneider, « Purim und Parodie (Anhang) », pp. 175, 179-180).
Transcription : ספר חכמת נשים אשר חבר החכם השלם בכ'מ'ה'ר'ר' יחיאל הכהן מאנו סקריוי ז'ל' בכמהרר'' משה בן יחיאל בן יוסף בן חיים הכהן מן גלות ירושלים אשר בצרפת בלשון לעז'' ונכללים בספר הזה הרבה דיעם וחוב עמודי שבעה, העמודי הראשון, דיני נידה, השני,דיני חלה, השלישי, דיני כשרות המאכל, הרביע, דיני נר שבת, החמישי שמירת שבת ומועדים, הששי, מנין המצות, השביע המדות טובות והלכות כרך [...] של הנשים כשירות נחלק לשלשה חלקים ולמעדים, הלמוד הראשון לקח טוב ומוסר השכל לאשה בעלת בעולם בעל, הלמוד השני המומר הבעל הלמוד השלישי המוסר האשה אלמנה. Une transcription incomplète de cette note de possesseur existe dans Steinschneider, « Die italienische Literatur der Juden (Anhang) », (1903), pp. 179-180.
Traduction :
« Livre de la sagesse des femmes dont l’auteur est le sage entier fils de l’honorable notre maître le rabbin notre rabbin Yeḥiel ha-Cohen Manoscrivi que sa mémoire soit bénie fils de l’honorable notre maître le rabbin notre rabbin Moïse ben Yeḥiel ben Joseph ben Haïm ha-Cohen de l’exil (de) Jérusalem qui est en France en langue étrangère et qui inclut dans ce livre beaucoup de connaissances et d’obligation(s) [en] sept piliers : le premier pilier, lois de niddah ; le second, lois sur la ḥallah ; le troisième, lois de la cacherout de la nourriture ; le quatrième, lois sur (l’allumage) des bougies du Shabbat, le cinquième, observation du Shabbat et les fêtes religieuses, le sixième, compte des mitsvot ; le septième, caractéristiques des bonnes middot et lois sur le lien […] des femmes cacher, partagé en trois parties et les fêtes religieuses ; le premier enseignement est une bonne leçon et une compréhension éthique pour la femme mariée ; le deuxième enseignement, le mari converti ; le troisième enseignement, la veuve convertie. »