Cologny, Fondation Martin Bodmer, L-37.1
Titre du manuscrit: William H. Herndon , Lettre à
Origine: Washington
Période: 10 juillet 1848
Support: Papier
Volume:
3 pages sur un bi-feuillet
Format: 250 x 199 mm
Sommaire:
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En juillet 1848, au terme de deux années d’une guerre d’abord impopulaire contre leur voisin mexicain, les Etats-Unis viennent de triompher, avec de faibles pertes et de gros gains territoriaux : le traité de Guadelupe Hidalgo a fait passer sous bannière étoilée la Californie, le Nevada et l’Utah, sans compter de notables agrandissements de l’Arizona, du Colorado, du Nouveau-Mexique et du Wyoming. Parmi les principaux opposants au conflit figurait un jeune élu du parti Whig au Congrès : Polk d’avoir utilisé des incidents de frontière mineurs pour déclencher une guerre injuste, servant ainsi ses ambitions et celles du parti démocrate. Mais son engagement déplut également à ses propres électeurs de l’Illinois, plutôt favorables à la conclusion positive du conflit. A l’été 1848, l’influence politique de Lincoln était donc sérieusement compromise : la fin de son mandat approchait et il semblait certain qu’il ne serait pas reconduit.
Demeuré dans leur étude de Springfield, le jeune associé de Lincoln, William H. Herndon (1818-1891), avait informé son mentor, par des lettres régulières, de l’état d’esprit des électeurs de l’Illinois. Conscient de la crise qui agitait le parti Whig, Herndon s’était laissé aller à quelques confidences désabusées dans la presse locale, critiquant notamment les « old fossils » qui empêchaient les jeunes militants de s’exprimer. Il avait ensuite envoyé les articles en question (« newspaper slips ») à son associé, lequel lui répondit par la présente lettre datée du 10 juillet 1848. Fatigué par des mois de batailles politiques, Lincoln avait été blessé par les propos « exceedingly painful » de son associé : bien que neuf ans à peine les séparent, il lui semblait se reconnaître comme « one of the old men » dénoncés par Herndon. Non sans ironie, il se disait prêt à accepter toutes les leçons politiques de la jeune garde et à la soutenir dans ses combats. Mais il souhaitait tout de même glisser quelques conseils bien sentis à celui qu’il décrivait avec chaleur comme « a labourious, studious young man [ … ], far better informed on almost all subjects than I ever have been ». Ceci précisé, Lincoln, ayant « the advantage of you in the world’s experience merely by being older », mettait en garde son jeune ami contre « a fatal error » : croire utiles la suspicion et la jalousie. Si tout débutant pouvait être en butte à des obstacles dressés sur sa route, il convenait de les ignorer et de ne pas se laisser détourner du but fixé : « la manière pour un jeune homme de s’élever est d’emprunter par lui-même toutes les voies qu’il pourra, sans jamais suspecter que quiconque veuille l’en empêcher ». Ainsi demeurait-on sur le « true channel ». Et Lincoln d’achever ce courrier presque paternel par la mention « Your friend, as ever », car, en dépit de ce léger nuage, l’amitié entre les deux hommes ne devait jamais plus se démentir. (1809-1865). Le jeune avocat avait accusé le président
Acquisition du manuscrit: vente Hôtel Drouot, Paris, 22 novembre 1968, expert Heilbrunn
Bibliographie:
- Ward H. Lamon, The Life of Abraham Lincoln, Boston, 1872, pp. 296-297.
- William H. Herndon, Herndon’s Lincoln – The True Story of a Great Life, Chicago, Belford-Clarke Co., 1889, p. 285-286 (reproduction intégrale du texte de cette lettre qualifiée de « so clearly Lincolnian and so full of plain philosophy »).
- Nicolas Ducimetière, « Le Monde de l’Autographe : Abraham Lincoln », dans ArtPassions, n° 39, Genève, 2014, pp. 52-53.